La PANHARD Dynavia souffle sa 75ème bougie
Retour sur l’histoire de cet emblématique concept car et de la Dynavia disparue…

PANHARD & LEVASSOR Dynavia, 1948
Véhicule issu de la collection du Fonds de dotation Peugeot pour la mémoire de l’histoire industrielle
Prêt du Musée national de l’automobile – Collection Schlumpf (Mulhouse)
Dès les années 1900, certains chercheurs avaient compris que la résistance à l’air était l’obstacle le plus difficile à vaincre par la force motrice. Des formes plus fluides, scientifiquement étudiées, permettent une forte amélioration des performances et une baisse de la consommation. En pratique, il faut attendre les années 1930 pour voir les constructeurs adopter progressivement les carrosseries aérodynamiques en série.
Louis Bionier : pionnier du bio-design ?
Louis Bionier, directeur des Études Carrosserie chez Panhard & Levassor depuis 1929, s’est senti très vite concerné par cette problématique. Il passe de longues heures à observer les poissons et les oiseaux : « L’ingénieur et le styliste ont à leur disposition tout ce que la nature a créé pour eux à des fins bien déterminées. Il suffit donc de chercher… et de trouver ce dont ils ont besoin, afin qu’à leur tour ils puissent, au mieux, réaliser une création capable de répondre à toutes les fonctions demandées » énonce-t-il. La Dynamic lancée en 1936 est une première réponse à ces préoccupations. Mais il sent bien qu’il faut aller plus loin, et pendant la guerre, il étudie un véhicule aux formes beaucoup plus radicales, connu sous le nom de code « VP6 », dont les lignes très effilées font penser à une goutte d’eau. Cette première étude n’a existé que sous forme de maquette.

Des maquettes dans le vent
Avec la sortie de la petite Dyna en 1946, Panhard abandonne les grandes voitures pour concentrer ses efforts sur un petit véhicule moderne. C’est donc sur cette nouvelle base que Louis Bionier relance ses recherches en vue d’optimiser au maximum les formes de carrosserie. Il met au point une technique originale, en collant des fils de laine sur les maquettes pour étudier le comportement des flux d’air, lors des tests en soufflerie. La technique est ensuite perfectionnée : de petites girouettes sont ventousées sur la carrosserie et filmées à différentes allures, avec ou sans vent latéral. La projection du film sur un écran quadrillé permet alors de déterminer les lignes de l’écoulement de l’air.
La sensation Dynavia
Le fruit de ces travaux est présenté au Salon de l’automobile de Paris en 1948. Son nom, « Dynavia », évoque à la fois la voiture de tourisme en production et l’aviation, autre domaine où l’aérodynamique est fondamentale. Après Paris, la Dynavia fait sensation dans les grands salons européens.

La forme très profilée de la carrosserie n’est pas la seule caractéristique remarquable de la Dynavia : carrosserie en alliage d’aluminium, proue soulevable d’un seul tenant pour accéder à l’ensemble mécanique, et enfin, réflecteurs ellipsoïdes, sortes « d’ailes de lumière », élargissant la visibilité sans éblouir.
Affichant un Cx (coefficient de traînée) de 0,17 – un chiffre tout à fait remarquable encore aujourd’hui – la Dynavia pointerait à 130 km/h, contre 100 km/h pour la Dyna X84 équipée du même moteur. Deux exemplaires ont été fabriqués : l’un est plutôt destiné aux expositions, l’autre aux essais. Le modèle d’exposition, seule Dynavia survivante, est exposé toute l’année au Musée national de l’automobile – Collection Schlumpf de Mulhouse.

La dynavia disparue : une histoire inédite
Quant à la Dynavia n° 2, qui a reçu la plaque d’identification n° 300.503, elle participe à une exposition aux Pays-Bas en 1950, avant d’être remotorisée par un moteur 4 CV Sprint. Le 7 août 1951, une note interne de Panhard précise que cette voiture se trouvant alors à la concession de la rue de la Tour à Paris doit être rapatriée à l’usine pour une mise au point au service des Expériences, puis subir une réfection de la peinture. Sans doute pense-t-on déjà à la revendre, car, le 14 janvier 1952, le service commercial signale que la voiture doit être facturée pour un million de francs à la succursale de Toulouse, pour le compte d’un certain Lachasse, cette fois sous le n° de série 461.801, conforme à sa motorisation en 4 CV. Mais l’affaire ne se réalise finalement pas, et la voiture est alors vendue au garage Guérin, le célèbre concessionnaire Panhard de Grenoble, pour le prix de 700.000 francs (soit le prix d’une Dyna 4 CV découvrable neuve). C’est Étienne de Valance, futur responsable de la compétition chez Panhard, mais il n’a alors que 23 ans, qui est chargé de convoyer la Dynavia par la route jusqu’à Grenoble. Pour lui permettre d’être utilisée régulièrement sur la route, la face avant est modifiée afin d’installer deux projecteurs conventionnels.
De nouveaux témoignages permettent d’en savoir un peu plus sur cette voiture remarquable. Monsieur Guérin a l’utilisée dans le cadre familial pendant quatre ou cinq ans, selon son fils. Elle faisait souvent l’aller-retour entre Grenoble et Barcelonnette, où Monsieur Guérin la conduisait au fort de Saint Ours où il avait fait ses classes (photo). Son fils se souvient que la Dynavia n’hésitait pas à se mesurer et avec succès aux imposantes Hotchkiss dans la montée du col Bayard. Ensuite, la voiture a été cédée.
Elle réapparait dans les années 1956-1958. Elle est alors achetée aux établissements Trouillet à Echirolles par son dernier propriétaire. Celui-ci l’utilise abondamment. En particulier, il l’engage avec succès dans des courses régionales, battant même des Porsche, selon son frère. Un jour, la voiture est accidentée à l’avant ; on la voit sur les photos en cours de reconstruction. Le projet semble inachevé. Le jeune propriétaire de la Dynavia est alors appelé pour servir en Algérie pour deux ans. Nous sommes dans les années 1959-1960. Il existe ensuite deux versions de la fin de l’histoire : son père l’aurait vendue à un casseur pour débarrasser la place (ce sont les mots tenus par le dernier propriétaire dans les années 1985) ; mais, d’après son frère, le dernier propriétaire l’aurait confiée à un ami… et ne l’aurait pas retrouvée à son retour. Le dernier propriétaire, lui, est décédé il y a une dizaine d’années.
Texte : Bernard Vermeylen
Projet porté par Francis Allirot (Panhardiste de Grenoble) et Elia Saunier (Musée national de l’automobile – Collection Schlulmpf)
Photographies : Don de M. Guérin – Droits réservés